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tout cela imprimée aux cerveaux norvégiens, anglais et russes. Bref, les écrivains du Nord, et c’est là leur charme, nous renvoient, si vous voulez, la substance de notre propre littérature d’il y a quarante ou cinquante ans, modifiée, renouvelée, enrichie de son passage dans des esprits notablement différents du nôtre. En repensant nos pensées, ils nous les découvrent.

Ils ont, semble-t-il, moins d’art que nous, une moindre science de la composition. Des œuvres comme Middlemarch sont décourageantes par leur prolixité. Il faut huit jours, à ne faire que cela, pour lire la Guerre et la Paix. De telles dimensions ont, en soi, quelque chose d’anti-artistique. Il est à peu près impossible d’embrasser de pareils ensembles, de tenir à la fois présentes à sa mémoire toutes les parties qui devraient conspirer la beauté de l’œuvre et, par conséquent, de connaître au juste et d’apprécier cette beauté. Les détails superflus et vraiment insignifiants pullulent. Je ne suis d’ailleurs nullement persuadé que ces écrivains aient plus d’émotion que les nôtres ; et ils n’ont assurément pas plus d’idées générales. Mais ils ont, plus que nous, le goût et l’habitude de la vie intérieure, et ils sont, plus que nous, religieux.

Plus patients, — non point peut-être plus pénétrants, mais d’une plus grande endurance, si je puis dire, dans la méditation ou l’observation, — plus capables de se passer eux-mêmes de divertissement,