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ceux où ils se passent de toute rhétorique, j’ai constamment l’impression de quelque chose de franc, de naïf, d’honnête, de spontané, d’intéressant même dans les gaucheries, les lenteurs ou les obscurités. Sous cette forme neutre, cette espèce de cote mal taillée qu’est une traduction, sous ces mots français recouvrant un génie qui ne l’est pas, de vieilles vérités ou des observations connues me font l’effet de nouveautés singulières. J’y veux trouver et j’y trouve une saveur, une couleur, un parfum…

Et cela, certes, je ne l’invente pas toujours. Ce qui nous plaît, au bout du compte, dans les œuvres septentrionales, c’est l’accent, l’accent nouveau, particulier, d’idées, de sentiments, d’imaginations qui ne nous étaient point inconnus.

La Norvège a des hivers interminables, presque sans jours, coupés par des étés éclatants et violents, presque sans nuits. Condition merveilleuse, soit pour mener lentement et patiemment ses visions intérieures, soit pour sentir avec emportement. Londres, près de qui Paris n’est qu’une jolie petite ville, est la capitale de la volonté et de l’effort ; et je crois aussi que c’est une excellente atmosphère pour la réflexion qu’un brouillard anglais. Je n’ai point vu la steppe : pour l’imaginer, je multiplie l’étendue et la mélancolie des bruyères, des étangs et des bois de Sologne, l’hiver. Puis il y a le passé russe, le passé anglais, le passé norvégien, les traditions, les mœurs publiques et privées, la religion, et la marque de