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excepté le néant de tout ce que je conçois et la majesté de quelque chose d’auguste que je ne conçois pas… » Oui, cela est beau, mais d’une beauté qui nous était déjà, si je ne m’abuse, on ne peut plus connue et familière.

« L’inquiétude du mystère », mais elle est jusque dans la petite âme sensuelle et triste d’Emma Bovary. « L’inquiétude du mystère », elle est dans l’âme simple et lourde de Charles Bovary quand il dit : « C’est la faute de la fatalité ». — Et, si ce n’est l’inquiétude du mystère, c’est donc la résignation à ne pas le comprendre, — en somme, un sentiment consécutif à cette inquiétude, et non moins humain, et non moins navrant, — qui pénètre la dernière conversation, à petites phrases brèves et mornes, de Frédéric et de Deslauriers, quand ils se rappellent leur vie, et comment ils l’ont manquée, et que cela leur est presque indifférent parce qu’ils la mesurent, sans le dire, à quelque chose qu’ils ne sauraient nommer ; et quand, s’étant remémoré une anecdote honteuse et naïve de leur enfance, ils disent tranquillement et désespérément : « C’est peut-être ce que nous avons eu de meilleur » ; de meilleur, puisqu’ils n’ont eu que le rêve, et que ce rêve était le premier. Souvenir si mélancolique, qu’il cesse d’être impur ; jugement si gros, dans sa bassesse voulue, de considérants inexprimés, qu’on n’en sent plus le cynisme, mais seulement l’affreuse tristesse…