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Louis-Philippe : l’Éducation sentimentale est quelque chose de plus : l’histoire pittoresque et morale, sociale et politique, de la Révolution de 1848 ; elle nous dit, et avec profondeur, les barricades et les clubs, la rue et les salons, et elle nous montre cette chose extraordinaire : la confrontation effarée des bourgeois avec la Révolution, cette Révolution que leurs pères ont faite soixante ans auparavant, mais qu’ils croient terminée, puisqu’elle les a enrichis, qu’ils s’indignent de voir recommencer ou plutôt qu’ils ne reconnaissent plus quand c’est eux à leur tour qu’elle menace, et qu’ils renient alors avec épouvante et colère. Voilà peut-être une aventure aussi considérable que la campagne de Russie. Mais, au surplus, je n’ai voulu que vous suggérer cette idée, que la Guerre et la Paix et l’Éducation sentimentale étaient, au fond, deux œuvres de même espèce et de composition analogue.

Et, enfin, qu’est-ce que cette « inquiétude du mystère universel », dont on veut faire exclusivement honneur aux romanciers slaves ? Ce « mystère », ce n’est sans doute, ce ne peut être que celui de notre destinée, de notre âme, de Dieu, de l’origine et du but de l’univers. Mais qui ne sait que presque tous nos écrivains, de 1825 à 1850, ont fait spécialement profession d’en être inquiets ? De cette inquiétude, Hugo est plein, il en déborde. (Et si j’allègue tour à tour nos romantiques et nos réalistes, c’est que leur influence se fait sentir