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et le nom de Dieu. Mais nous reviendrons là-dessus.

Est-ce que vous ne comprenez pas que Flaubert aime la servante Félicité d’Un cœur simple ? Est-ce que vous ne comprenez pas qu’il aime l’admirable Dussardier de l’Éducation sentimentale, et était-il nécessaire qu’il vous en informât ? Si « l’indifférence mystique » où l’on nous dit que Bézouchof et Tolstoï lui-même (pour un temps) finissent par se réfugier, présuppose la douleur et la compassion, l’ataraxie philosophique où aspire Flaubert les implique tout justement au même titre. Quoi de plus triste dans leur sérénité que les maximes d’un Marc-Aurèle affirmant sa soumission aux lois inéluctables de la nature ? Ah ! la grande pitié qu’il peut y avoir, par tout ce qu’il sous-entend, dans le renoncement à l’expression des pitiés particulières !

Quant à l’autre caractère distinctif des romans russes : « l’intelligence des dessous, de l’entour de la vie… l’inquiétude du mystère universel », pensez-vous que cela suffise davantage à les différencier des nôtres ?

« Les dessous de la vie », qu’est-ce que cela ? S’agit-il des puissances obscures et fatales de la chair et du sang, instincts, complexion physiologique, hérédité, qui nous gouvernent à notre insu ? Mais cela, c’est presque la moitié de Balzac, et c’est presque le tout de M. Émile Zola. — Et « l’entour de la vie » ? S’agit-il de l’influence des milieux ? Qui l’a mieux con-