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sans effort, implique-t-elle l’insensibilité, le dédain ou l’ironie du peintre ?

Je laisse M. Zola, et son furieux et brutal pessimisme, si éloigné de l’indifférence ; et la petite Lalie de l’Assommoir, l’enfant-martyre, plus souffrante, et aussi douce, et aussi illettrée que Platon Karatief ; moins religieuse, je le sais ; mais pourquoi serait-elle en cela moins émouvante ou moins sublime, si sa bonté n’en est que plus surprenante encore et plus mystérieuse ? Je laisse M. Alphonse Daudet, si pénétré de tendresse. Je laisse les maladifs Goncourt, chez qui la sensation littéraire semble déjà, elle-même, une souffrance, et qui, ne fussent-ils pas torturés comme hommes, le seraient déjà comme artistes ; je n’alléguerai pas le calvaire de leur Germinie, à la fois héroïque et infâme, qui, parmi les hontes et la folie de son corps, garde un si grand cœur et, dans ses « ténèbres », pour parler comme Tolstoï, la pure flamme d’un absolu dévouement. Et je ne rappellerai pas que cette formule : « la religion de la souffrance humaine », est probablement de leur invention.

Mais je prends celui de nos romanciers qui a la réputation la mieux établie d’impassibilité et de dédain : Gustave Flaubert. J’ai toujours admiré qu’on refusât à Flaubert le don de sympathie, parce qu’il n’exprime point effrontément la sienne, et qu’on fît de ce don, une des caractéristiques, par exemple,