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n’est qu’une pauvre bonne catin qui n’a jamais réfléchi ni sur Dieu ni sur le mystère de la rédemption par la souffrance. Le personnage de Sonia ne serait-il que la fantaisie d’une imagination déclamatoire ? Et quant à Platon Karatief, si son grand mérite est d’être bon et résigné tout en restant très simple d’esprit, nous avons encore mieux que ce moujick, puisque nous avons l’âme du Crapaud de la Légende des siècles :

 Bonté de l’idiot ! Diamant du charbon !

S’il est vrai que la littérature septentrionale de ces derniers temps reproduise à la fois l’idéalisme sentimental et inquiet de nos romantiques et le réalisme minutieux et impassible, d’intention ou d’apparence, qui date de l’année 1855, tout ce qu’on peut dire, c’est donc que ces écrivains du Nord nous offrent intimement mêlé ce qui fut, chez nous, successif et séparé (ou à peu près) et qu’ainsi ils abordent la peinture des hommes et des choses avec une âme et un esprit entiers, non mutilés, non resserrés dans un point de vue ou restreints à une attitude. Mais, au surplus, est-il certain que nos réalistes et nos naturalistes manquent de sympathie autant qu’on l’a prétendu ? qu’ils se tiennent si orgueilleusement au-dessus de ce qu’ils racontent où décrivent ? qu’ils le dédaignent et le jugent toujours ridicule ou vil ? En quoi l’objectivité des peintures, à laquelle ils tendent loyalement et non