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être. Ne vous en tenez pas, sur son compte, à l’image de doux archange plaintif qu’ont suggérée jadis à ses contemporains certaines langueurs de ses premières poésies. Chanter comme on respire, cela est exquis ; mais soutenir cet exercice comme il le fit, cela est fort. L’idée même qu’il avait de la poésie, ou plus exactement, de la place que la production de la poésie écrite peut tenir et doit accepter dans une existence normale, est d’un homme qui sentait bouillonner en lui toutes les énergies et qui prétendait vivre tout entier. Je ne vois, pour ma part, nulle affectation vaniteuse, mais l’expression d’une pensée réfléchie et virile et le franc aveu d’une nature robuste et superbement équilibrée, dans ce passage, souvent raillé, de la Lettre qui sert de préface aux Recueillements : « Quand donc l’année politique a fini…, ma vie de poète recommence pour quelques jours. Vous savez mieux que personne qu’elle n’a jamais été qu’un douzième tout au plus de ma vie réelle. Le public croit que j’ai passé trente années de ma vie à aligner des rimes et à contempler les étoiles ; je n’y ai pas employé trente mois, et la poésie a été pour moi ce qu’est la prière, le plus beau et le plus intense des actes de la pensée, mais le plus court et celui qui dérobe le moins de temps au travail du jour… Je n’ai fait des vers que comme vous chantez en marchant, quand vous êtes seul et débordant de force, dans les routes solitaires de vos bois… »

Cette impression de puissance, Lamartine la don-