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prouver très facilement, si c’était ici le lieu. Je vois en eux des âmes grandes ou ardentes, mais simples. Aucun d’eux ne me paraît, proprement, un raffiné. Mais c’est chez Baudelaire, chez Sully-Prudhomme, chez le Coppée des premiers recueils, même chez Leconte de Lisle, que je trouverais le « moi » jaloux et amoureux de ses particularités, l’attitude cherchée et entretenue, la croyance et la complaisance de l’artiste en la rareté de ses sentiments et de ses souffrances ; bref, l’égotisme de la poésie et, — se trahissant parfois, comme chez Leconte de Lisle, par la superstition même de l’objectivité, — la poésie subjective. Et cela encore, si c’était le lieu, se prouverait avec aisance. — Pour Lamartine, en tout cas, le reproche de subjectivisme est étrange ; ou bien, alors, je ne sais pas quel poète y échapperait. Je ne vois rien qui soit plus vraiment de tout le monde et à tout le monde, — sauf le degré et sauf la forme, — que les sentiments exprimés par Lamartine dans tous ses livres, depuis le Lac et l’Isolement, qui sont ses premiers chefs-d’œuvre, jusqu’à la Vigne et la Maison, qui est à peu près son dernier. Son Lac est bien notre lac à tous, et sa Vigne et sa Maison sont les nôtres ; et nôtres, encore plus, toutes ses prières (les Harmonies) et nôtre, l’expiation de Jocelyn et de Cédar. Si jamais poète fut pareil aux divins Oiseaux d’Aristophane, qui « ne roulaient que des pensées éternelles », c’est bien lui.

Il fut suave et puissant. Puissant surtout, peut-