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plus grandes affaires publiques et des soucis privés, tout à coup, et parfois sous un choc très léger, remontait de son coeur la source de poésie. Ce sont éminemment « pièces de circonstances », comme Goethe voulait que fussent toujours les poèmes lyriques. Pièces d’humbles circonstances, souvent. Il est curieux, il est touchant de voir que quelques-uns des plus somptueux morceaux des Recueillements sont adressés à des êtres excellents, j’imagine, mais assez obscurs : M. Wap, M. Guillemardet, M. Bouchard, ou Mlle Antoinette Carré, jeune ouvrière de Dijon… — Mais, bien que les pièces de ce volume aient été, entre toutes, écrites sans labeur, uniquement pour soulager l’âme du poète, et que la disposition d’esprit propre à l’homme de lettres professionnel et la préoccupation du métier en soient plus absentes encore que de Jocelyn ou de la Chute, jamais, je crois, la forme de Lamartine n’a été plus drue, plus chaude, plus colorée, ni, — certains passages un peu nonchalants mis à part, — plus savante que dans les Recueillements (la rime même s’est enrichie, et l’ancienne fluidité des images, fréquemment, s’est concrétée) ; soit qu’il subît en quelque mesure, sciemment ou non, l’influence de Victor Hugo ; soit plutôt qu’il fût dans l’âge de la maturité pleine et des sensations d’autant plus fortes qu’on sait que la puissance de sentir décroîtra demain. — Et d’autre part, bien que nul dessein préconçu ne relie entre eux ces morceaux, tous ensemble se