Page:Lemaître - Les Contemporains, sér6, 26e mille.djvu/237

Cette page n’a pas encore été corrigée

  Ainsi quand le navire aux épaisses murailles,
  Qui porte un peuple entier bercé dans ses entrailles,
  Sillonne au point du jour l’océan sans chemin,
  L’astronome chargé d’orienter la voile
  Monte au sommet des mâts où palpite la toile,
  Et, promenant ses yeux de la vague à l’étoile,
        Se dit : « Nous serons là demain ! »

  Puis, quand il a tracé sa route sur la dune
  Et de ses compagnons présagé la fortune,
  Voyant dans sa pensée un rivage surgir,
  Il descend sur le pont où l’équipage roule,
  Met la main au cordage et lutte avec la houle.
  Il faut se séparer, pour penser, de la foule, Et s’y confondre pour agir.

Commencez-vous à sentir la profondeur et l’étendue de cette âme ? Peut-être est-ce dans les Recueillements (et j’y comprends les Poésies diverses) qu’elle apparaît le plus en plein. — J’estime, d’ailleurs, que ce recueil n’est pas mis à son vrai rang. Je ne dis point que les Harmonies ne forment pas un ensemble plus lié, et plus harmonieux en effet. Mais rien, dans les Harmonies même, ne dépasse le Cantique sur la mort de la duchesse de Broglie, Utopie, la Cloche du village, la Femme, la Marseillaise de la paix, la Réponse à Némésis, le Désert, la Vigne et la Maison, les vers À M. de Virieu après la mort d’un ami commun. Dans cet assemblage de poèmes, qui ne fut ni prémédité ni « composé », le génie du plus spontané des poètes éclate plus spontanément que jamais. Au milieu de ses travaux d’historien, des