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Au désert, l’homme soulève en marchant « les serviles anneaux de l’imitation ».

  Il sème, en s’échappant de cette Égypte humaine,
  Avec chaque habitude un débris de sa chaîne…
 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
  La liberté d’esprit, c’est ma terre promise.
  Marcher seul, affranchit ; penser seul, divinise.

Pareillement Ibsen : « Il n’est de grand que celui qui est seul. » Ainsi il semblerait que par moments, en haine de tout ce qui offusque dans le présent sa vision de charité universelle, Lamartine fût près de se réfugier dans le culte du moi (en sorte que nul sentiment d’un caractère religieux ne lui demeurât étranger), — s’il n’était, avant tout, invinciblement, celui qui aime et qui se répand. Et c’est pourquoi, aux cris de solitaire orgueil du Désert répondent les strophes d’Utopie, ardemment aimantes :

 … Servons l’humanité, le siècle, la patrie :
        Vivre en tout, c’est vivre cent fois !

  C’est vivre en Dieu, c’est vivre avec l’immense vie
  Qu’avec l’être et les temps sa vertu multiplie,
  Rayonnement lointain de sa divinité ;
  C’est tout porter en soi comme l’âme suprême,
  Qui sent dans ce qui vit et vit dans ce qu’elle aime ;
  Et d’un seul point du temps c’est se fondre soi-même
        Dans l’universelle unité.

Tant qu’enfin la superbe intellectuelle du Désert et la charité d’Utopie se réconcilient dans cette image :