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par l’homme ses éléments en pensée… Chaque fois qu’un homme naîtra, vous lui donnerez une part de terre… Ne bâtissez point de villes, habitez les campagnes… N’amassez pas d’avance… Vivez en paix avec les animaux, n’imposez point de mors à leur bouche ; ceux qui sont cruels s’adouciront… N’élevez pas au-dessus de vous de juge ni de roi, ils se feraient tyrans… N’ayez ni loi ni tribunal pour punir. »

Oui, c’est un rêve ; mais c’est le grand rêve humain ; je dirai presque le seul. Ce fut le rêve du Bouddha et de Jésus. Et c’est, présentement, le rêve de Léon Tolstoï, pour ne nommer que lui. Seulement, nous en sommes loin, très loin… Lamartine est de ceux qui ont le plus fortement cru et le plus répété que la civilisation industrielle est la grande erreur, le grand péché de l’humanité. Il a la haine des villes. Oh ! dans ce Désert, la belle ivresse de solitude, de liberté et d’orgueil !

  Des deux séjours humains, la tente ou la maison,
  L’un est un pan du ciel, l’autre un pan de prison ;
  Aux pierres du foyer l’homme des murs s’enchaîne,
  Il prend dans les sillons racine comme un chêne :
  L’homme dont le désert est la vaste cité
  N’a d’ombre que la sienne en son immensité.
  La tyrannie en vain se fatigue à l’y suivre.
  Être seul, c’est régner ; être libre, c’est vivre.
 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
  Au désert l’esprit plane indépendant du lieu ;
  Ici l’homme est plus homme et Dieu même plus Dieu.