Page:Lemaître - Les Contemporains, sér6, 26e mille.djvu/232

Cette page n’a pas encore été corrigée

plit et achève les types, et les transmet perfectionnés…

Nul poète, nul philosophe, nul historien n’a mieux senti que Lamartine, ni plus superbement exprimé la marche évolutive de l’histoire. Nul, non pas même Renan, n’a mieux dit les sourds instincts dont le travail, pareil à celui des germes, prépare les transformations des peuples, ni les désirs dont les masses humaines sont émues longtemps avant que ces désirs ne deviennent des pensées par où la réalité sera repétrie… Écoutez ces strophes d’Utopie :

 . . . . . . . . Il est dans la nature
  Je ne sais quelle voix sourde, profonde, obscure
  Et qui révèle à tous ce que nul n’a conçu ;
  Instinct mystérieux d’une âme collective,
  Qui pressent la lumière avant que l’aube arrive,
  Lit au livre infini sans que le doigt écrive,
          Et prophétise à son insu.

 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
  C’est l’éternel soupir qu’on appelle chimère,
  Cette aspiration qui prouve une atmosphère
 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
  « Il se trompe », dis-tu ? Quoi donc ! se trompe-t-elle
  L’eau qui se précipite où sa pente l’appelle ?
  Se trompe-t-il le sein qui bat pour respirer,
  L’air qui veut s’élever, le poids qui veut descendre,
  Le feu qui veut brûler tant que tout n’est pas cendre,
  Et l’esprit que Dieu fit sans bornes pour comprendre
          Et sans bornes pour espérer ?

  Élargissez, mortels, vos âmes rétrécies !
  Ô siècles, vos besoins, ce sont vos prophéties !