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Au surplus, un poème d’une souveraine beauté, pittoresque, morale et lyrique, — fort inconnu ; et que personne ne cite jamais, — le Désert, que vous trouverez à la suite des Recueillements, dans les Épîtres et Poésies diverses, et qui, daté de 1856, est donc la dernière grande pièce qui soit sortie de la main de Lamartine, nous offre un décisif commentaire de cette partie du Livre primitif.

Dans le Désert, le poète fait ainsi parler Dieu :

  Insectes bourdonnants, assembleurs de nuages,
  Vous prendrez-vous toujours au piège des images ?
  Me croyez-vous semblable aux dieux de vos tribus ?
  J’apparais à l’esprit, mais par mes attributs.
 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
  Ne mesurez jamais votre espace et le mien.
  Si je n’étais pas tout, je ne serais plus rien.

Sur quoi, pris d’un vieux scrupule chrétien, — dans une période embrouillée, inachevée peut-être, et dont il n’est presque pas possible de saisir la construction grammaticale, — il s’efforce de distinguer entre « le Tout » des panthéistes, « ce second chaos… où Dieu s’évapore… où le bien n’est plus bien, où le mal n’est plus mal », et « le Tout » orthodoxe, « centre-Dieu de l’âme universelle »… Mais enfin, il reconnaît qu’il n’y voit goutte ; et il s’en tire par ce que j’appellerai une loyale défaite. Il fait dire à Dieu :

  Tu creuseras en vain le ciel, la mer, la terre
  Pour m’y trouver un nom ; je n’en ai qu’un : Mystère.