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Être suprême doué de facultés et de sentiments humains dont on a seulement retiré la limite, — par une opération bien malaisée à concevoir et que, au surplus, on oublie toujours de refaire quand on songe à lui. Ce qu’on voit invinciblement, c’est un très bon vieillard à barbe blanche ou un tragique jeune homme à cheveux roux. Ces images emprisonnent la pensée spéculative qui les suggéra ; et le signe résorbe la chose signifiée…

Le panthéisme, lui, est très beau. C’est l’expression la plus enivrante de l’anthropomorphisme, — duquel on ne sort pas. Le déisme érigeait au-dessus de tout une âme humaine distendue et unique ; le panthéisme infuse l’âme humaine dans tout. En réalité, c’est le monde mis en métaphores ; une prosopopée universelle. Mais Spinoza lui-même a bien de la peine à en tirer une loi morale qui oblige… Et puis, au fond, on n’est pas bien sûr de comprendre. Sully-Prudhomme confesse un « scrupule » dans un sonnet des Épreuves. — Vous êtes ignorants comme moi, plus encore, dit il aux astres ; la raison de vos lois vous échappe. Tu ne sais rien non plus, rose ; ni vous, zéphyrs, fleurs ;

  Et le monde invisible et celui que je vois
  Ne savent rien d’un but et d’un plan que j’ignore.

  L’ignorance est partout ; et la divinité,
  Ni dans l’atome obscur, ni dans l’humanité,
  Ne se lève en criant : « Je suis et me révèle ! »