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VII

LE FRAGMENT DU LIVRE PRIMITIF ET LES RECUEILLEMENTS.

Je voudrais, pour terminer, dire quelques mots de la philosophie de Lamartine. Nous l’avons rencontrée, éparse, dans les Méditations, dans les Harmonies, dans Jocelyn. Mais le Livre primitif (dans la Chute d’un ange) et certaines pièces des Recueillements nous l’offrent plus ramassée, et c’est donc là qu’il faut la considérer ; d’autant mieux que nous y trouvons la pensée de Lamartine à quarante-huit ans (1838), et qu’il n’y a pas apparence qu’elle ait beaucoup varié depuis.

Il s’agit d’abord de définir Dieu. Pour la première fois, dans le Fragment du Livre primitif, dissipant les équivoques de ce christianisme sentimental dont on ne savait trop s’il enveloppait ou s’il excluait le dogme, Lamartine s’affirme nettement rationaliste et nie la révélation :

  Le seul livre divin dans lequel il écrit
  Son nom toujours croissant, homme, c’est ton esprit !
  C’est ta raison, miroir de la raison suprême,
  Où se peint dans la nuit quelque ombre de lui-même.
  Il nous parle, ô mortels, mais c’est par ce seul sens.
  Toute bouche de chair altère ses accents.
  L’intelligence en nous, hors de nous la nature,
  Voilà la voix de Dieu ; le reste est imposture.