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la cour, et les bourreaux rapportent à Ichmé son enfant vivant :

  « C’était un jeu, vois-tu, jeune fille insensée !
  D’immoler ton amant pourquoi t’es-tu pressée ?
  Du repas des lions il était innocent.
  Quel lait aura ton fils ? Tiens, nourris-le de sang ! »
  Les monstres à ces mots poussent un affreux rire :
  D’une convulsion du cœur la mère expire,
  Et les bourreaux, traînant le vivant et les morts
  Vers l’antre des lions, leur jettent les trois corps.

Tel est ce mélo-mimodrame sanglant et sincère en trois actes. Assurément un psychologue, comme Edgard Poë, aurait pu produire des combinaisons de souffrance morale et physique plus compliquées et plus profondes. Même, malgré leur naïf étalage d’horreur matérielle, les « situations » imaginées par Lamartine n’égalent pas en subtile cruauté telles situations de Théodora ou de la Tosca ; car M. Sardou a été plusieurs fois, au théâtre, le roi de l’angoisse et de la torture. En somme, Ichmé éprouve la peur intense, mais toute simple, et venant d’un objet présent et déterminé. Puis, la douleur des êtres qu’elle chérit ne dépend point d’elle ; et enfin elle ne connaît pas, comme la Tosca ou Théodora, « la terreur du choix »… L’histoire d’Ichmé et d’Isnel, avec ses cris et sa pluie de sang, ressemble à quelque rouge croquemitainerie, sent presque l’enluminure populaire des images de supplices.

Tout cela cependant, chair meurtrie, sang qui