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delà, de plaines fécondes et d’ondoyantes végétations qu’enfle la poussée du Printemps divin…

Bref, chaque partie du corps de Daïdha semble rentrer et se fondre, par l’intermédiaire des comparaisons trop développées, dans la nature ambiante. Lamartine nous peint ce corps de jeune fille, comme il peindrait le corps symbolique d’un dieu, la forme d’Indra ou de Bouddha, représentative de l’Univers lui-même. Un peu plus, et Daïdha, toujours grandissante, ou plutôt insensiblement dévorée par les images qu’a évoquées sa beauté, dissoute d’ailleurs dans le clair de lune qui l’enveloppe, deviendrait Pan, se muerait au Grand-Tout, comme le Satyre de Victor Hugo. Dans tout cela, nulle volupté précise, rien de l’émotion spéciale que peut donner le spectacle d’une nudité féminine : le poète est saisi, devant cette chair de jeune fille, de la même ivresse vague et sacrée qu’en présence de la mer infinie, des beaux promontoires, des forêts profondes ou des montagnes qui sont l’ossature de la planète…

Mais revenons aux tyrans-dieux. Pas plus que la chasteté de Lamartine ne sait rendre émouvante leur luxure, sa douceur ne parvient, en nous montrant leur cruauté, à nous faire frissonner d’horreur.

Non qu’il n’ait très justement senti le lien mystérieux et fatal qui unit la cruauté à la luxure. Tous les érotomanes célèbres ont été, je crois, de méchants hommes. Chez les bêtes, l’amour ressemble souvent