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je les avais toujours ignorées ?… Et d’autre part il est évident que ce sont les progrès de l’industrie, parallèles à ceux de la science, qui ont créé les grandes villes modernes, qui ont compliqué les « questions sociales », qui en ont même fait surgir de nouvelles, et qui en même temps empêchent de les résoudre : car c’est seulement dans les médiocres agglomérations, où les hommes se peuvent tous approcher et connaître, que la répartition des biens et des maux a quelque chance de devenir un peu plus conforme à la justice. Mais, au contraire, le progrès industriel, par la formation de ces cités énormes où l’exercice de la fraternité est si difficile même aux gens de bonne volonté, par l’isolement croissant des classes, par la nature des travaux imposés à certaines catégories d’ouvriers, par l’incertitude du pain quotidien, les hasards du chômage, les jeux de la surproduction et de la spéculation ; enfin, en diminuant chez eux, par l’appât d’un rêve tout matériel et tout grossier, la résignation, mais non point la possibilité de souffrir, a amené et propagé dans le monde des formes de misère sans doute inconnues autrefois.

C’est l’aboutissement de tout cela qui apparaît dans l’odieuse Balbeck de la Chute d’un ange. Si c’est là que l’humanité doit en venir, elle n’aura rien gagné du tout à peiner durant des milliers et des milliers d’années. Autant valait pour elle ne pas se mettre en route. Et donc, en faisant la suprême barbarie