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quez que cette vision monstrueuse de la ville de Balbeck, c’est tout simplement le tableau grossi de la suprême cité industrielle ; que les tyrans-dieux y sont comme des « patrons » qui auraient traversé avec succès la crise révolutionnaire et socialiste et qui, par la science, seraient venus à bout, une fois pour toutes, des prolétaires. Il semble bien, en effet, que le dernier mot d’une civilisation purement matérialiste, ce soit, logiquement, l’oppression scientifique des faibles par les forts. La science toute seule, l’accroissement du pouvoir sur la nature, sans un accroissement équivalent de l’esprit de charité et de renoncement, n’a rien qui puisse atténuer chez les hommes les instincts égoïstes de l’humanité première : il n’apporte point au progrès de l’humanité un élément nouveau ; il met seulement, chez les mieux doués et les plus intelligents, au service de ces instincts, de nouveaux instruments par où s’aggrave encore l’antique et fatale inégalité. Il laisse l’humanité toujours aussi « animale », et non pas plus heureuse ; il n’est, en réalité, qu’un piétinement, sinon un recul.

Cela, nous l’entrevoyons, et dès aujourd’hui. Il serait tout à fait impossible de démontrer que les applications de la science aux commodités de la vie nous aient vraiment faits plus heureux. Si les chemins de fer, le télégraphe et les inventions du même ordre m’étaient retirées, j’en sentirais une petite privation parce que je les ai connues ; mais si