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Quant à la conception que le poète s’est formée de l’humanité antédiluvienne, tous les critiques ont répété, plus ou moins, qu’elle était incohérente, antihistorique, enfantine, saugrenue. Mais j’avoue qu’elle me paraît, à moi, d’une philosophie peut-être profonde, et d’une extrême vraisemblance morale.

Lamartine a rapproché, a rendu contemporains l’un de l’autre, deux états de société radicalement différents en apparence :

D’un côté, des tribus de pasteurs nomades, chez qui se dessinent les premiers linéaments de la civilisation. Ces pasteurs adorent des dieux particuliers de tribus, des fétiches. Ils honorent la famille et les ombres des parents morts ; et la tribu se gouverne par des lois assez douces, qu’appliquent sagement des Conseils de vieillards : mais elle est défiante, terrible contre les étrangers, et contre ceux de ses membres qui ne partagent pas ses craintes haineuses. Les tribus sont ennemies entre elles, se pillent, s’enlèvent leurs femmes et leurs enfants pour les faire esclaves. Nul cœur d’homme n’y est plus large que la tribu elle-même. À peine de très vagues germes de « charité du genre humain ». — Néanmoins, les mœurs ont de la grâce dans leur rudesse naïve ; ces pasteurs et ces chasseurs ont quelque sentiment de la beauté des choses, s’expriment par des images ingénues et fleuries… En somme, Lamartine n’a fait que simplifier, ramener tout près de ses origines et comme renfoncer vers