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VI

LA CHUTE D’UN ANGE.

La Chute d’un ange est la plus étrange aventure qu’un poète ait courue chez nous. Car Lamartine s’y contente de rêver tout haut et d’écrire à mesure, n’importe comment. C’est le plus inégal des poèmes, le plus baroque, le plus fou, le plus puéril, le plus ennuyeux, le plus assommant, le plus mal écrit, — et le plus suave et le plus inspiré et le plus grand, selon les heures.

Le poète a un double objet : nous conter l’une des incarnations expiatoires du « héros » de ce vaste poème qui devait s’appeler les Visions, — et nous décrire une des périodes de l’histoire de l’humanité, la période antédiluvienne.

Cette première expiation de Cédar paraît assez complète : car il souffre vraiment tout ce qu’il peut souffrir, — dans son corps et dans son âme, — et comme époux, et comme père, et comme membre d’une société humaine. Mais cette souffrance, d’ailleurs démesurée et, si je puis dire, gigantesque, il n’en comprend pas la vertu purificatrice, il ne l’accepte pas ; il maudit à la fin la terre et Dieu même ; il se réfugie dans le suicide. Et c’est pourquoi il devra, sous une autre forme, recommencer l’épreuve. Le poète nous annonce qu’il la recommencera neuf fois, avant que son âme devienne l’âme parfaite et sublime de Jocelyn.