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  Ils montaient en colonne, en tourbillon flottant,
  Comblaient l’air, nous cachaient l’un à l’autre un instant
  Comme dans les chemins la vague de poussière
  Se lève sous les pas et retombe en arrière.
  Ils roulaient, etc…

De l’auteur du Mahabharata et du poète bourguignon, c’est évidemment ce dernier qui déborde le plus largement. Son printemps est d’une divine intempérance… Les visions de Hugo sont certes aussi abondantes, et son vocabulaire est, en outre, beaucoup plus riche ; mais ces visions, Hugo les domine, il les fait saillir par des oppositions, ou il les aligne, comme des soldats, en rangs profonds ; il les dispose, il les gouverne, il les régente ; en somme, il applique à ces masses, si vastes qu’elles soient, le compas latin et le compas même de Boileau. Mais Lamartine a l’inexpérience sublime des premiers poètes qui se sont enivrés de l’univers. Des phrases indéfinies, et dont les contours flottent et ondulent ; pas d’arêtes, pas d’antithèses ; une syntaxe molle, fluide, à peine correcte si l’on y regarde de près ; la plus élémentaire juxtaposition des détails ; tout au même plan ; un afflux de sensations à peine ordonnées… Lamartine, je le répète, est le moins classique et le plus vraiment primitif de nos grands poètes. Et tous, pourtant, à certaines minutes, s’effacent devant lui.