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tour, agrandit et exalte la puissance d’aimer : de sorte qu’elles ne se peuvent bientôt emplir et satisfaire qu’en prenant à leur compte, par la charité, toutes les souffrances des autres… Dans les derniers épisodes du poème, Jocelyn nous offre le spectacle d’une âme entièrement et uniquement aimante, — aimante parce qu’elle est douloureuse, et douloureuse d’être aimante… Et ce spectacle n’a rien d’abstrait, puisque cette âme se présente sous les espèces charmantes d’un prêtre de campagne, caché dans un village alpestre, vivant parmi les enfants et les paysans, au milieu d’une nature rude et magnifique. Cette âme est située dans l’espace : elle est située aussi dans le temps et dans l’histoire. Jocelyn fait songer un peu, — seulement un peu, — à Rousseau, à Bernardin, à René, au vicaire de Wakefield, aux solitaires de George Sand. Ils transparaissent vaguement en lui, mais de très loin, et purifiés. Le curé de Valnège n’a gardé d’eux tous que ce que chacun eut de meilleur. Ce n’est point un prêtre romantique hanté par des souvenirs charnels. Et ce n’est pas non plus un prêtre philosophe. Il demeure, dans ses rêveries même, « un bon curé »[1], qui croit aux mystères qu’il célèbre sur son humble autel, mais qui paraît hardi çà et là, parce qu’il comprend très bien l’Évangile et le commente avec candeur. Il atteint, vers la fin, à la paix, à la sérénité dans la douleur même, ayant vaincu son mal,

  1. Du moins dans son fond. Je connais les quelques passages qu’on pourrait m’opposer.