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  Eh bien, j’épuiserai la coupe des supplices ;
  Dans les vases fêlés où l’homme boit ses pleurs,
  Avec lui je boirai ses gouttes de douleurs ;
  J’élèverai le cri de toutes ses alarmes,
  Je saurai l’amertume et le sel de ses larmes ;
  Comme dans ceux du Juste immolé sur la croix,
  Tous ses gémissements gémiront dans ma voix ;
  Du haut de ma douleur comme de son Calvaire,
  Ouvrant des bras saignants plus larges à la terre,
  J’embrasserai plus loin, de ma sainte amitié,
  Mes frères en exil, en misère, en pitié.
  Mon amour fut ma vie : en épurant sa flamme,
  Ô Jésus, prête-moi ta charité pour âme !
  Fais que j’aime le monde avec le même amour
  Dont j’aimai l’ange absent que j’entrevis un jour !
  Que chaque enfant de l’homme à mes yeux soit Laurence !

Et enfin :

  J’irai, j’attacherai mon âme aux solitudes,
  J’écorcherai mes pieds dans des sentiers plus rudes.
  Bénissez-moi, Seigneur ! Que mon cœur consumé
  Par l’amour, et puni pour avoir trop aimé,
  Au foyer de l’autel s’éteigne et se rallume,
  Et d’un feu plus céleste en mon sein se consume,
  Mais pour aimer en vous, avec vous et pour vous, Tous au lieu d’un seul être et cet être dans tous !

Fécondité merveilleuse de la douleur. Oui, c’est bien sa blessure qui fait le cœur de Jocelyn si profond, si large et si tendre. Chez les âmes élues, la puissance d’aimer engendre la souffrance, qui en est le signe et la mesure ; et la souffrance, à son