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son chaste amoureux. Supprimer le rôle de l’évêque, ce serait ôter de l’histoire de Jocelyn la douleur et, par suite, la sainteté. Encore une fois, le voudriez-vous ? Si j’insiste, c’est que l’épisode qui a été le plus blâmé par tous les critiques sans exception est justement le plus indispensable à l’intelligence du poème, et comme le nœud de ce merveilleux drame moral.

Enfin, que Jocelyn « abandonne » son amie, cela n’est vrai qu’en un sens. Il ne l’abandonne point, puisqu’il l’aimera toujours, qu’il fera pénitence pour elle, qu’elle sera présente à toutes ses pensées et à tous ses actes, que le sacrifice dont elle a été l’occasion le fera capable de tous les autres sacrifices, et que Laurence, après avoir été la pierre d’achoppement de sa sainteté, en sera l’intime aiguillon. Et nous assisterons à l’une des plus belles « ascensions d’amour », platoniciennes et chrétiennes, à l’une des plus belles transformations de l’amour d’une créature en amour des hommes et en amour de Dieu (les trois se confondant en un seul) que jamais poète ait conçues et décrites :

  Tes péchés sont les miens, et je t’en justifie…
  Peines, crimes, remords sont communs entre nous ;
  Je les prends tous sur moi pour les expier tous.
  J’ai du temps, j’ai des pleurs ; et Dieu pour innocence
  Va te compter là-haut ma dure pénitence.
 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
  Dieu me sèvre à jamais du lait de ses délices.