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dans la glorification romantique de l’amour fatal, de l’amour-possession, de celui qui fait tout oublier, Dieu, les hommes, la patrie. — Jocelyn dans la montagne, c’est Énée à Carthage, à cela près que sa tâche est plus large encore et plus sainte que celle du chef phrygien ; qu’il s’est d’ailleurs moins compromis ; que la grotte des Aigles est restée plus innocente que la grotte de Didon, et qu’enfin les circonstances feraient sa renonciation plus lâche que n’eût été celle du pieux Énée… En somme, l’évêque ne fait qu’adjurer Jocelyn d’être fidèle à lui-même, fidèle à sa vocation sacerdotale. Au surplus, mettez-vous à la place de ce vieillard qui va être guillotiné demain, qui voit les choses d’ici-bas, non seulement à travers sa foi, mais du seuil de la mort et de l’éternité et comme de la fenêtre d’un autre monde ; et jugez quelle misère doit lui paraître la petite aventure alpestre du jeune lévite. Ou plutôt écoutez-le : il parle fort bien, avec une éloquence âpre, ardente, impérieuse, une éloquence d’outre-tombe déjà, qui remet joliment les choses en place et en rétablit, avec certitude, la vraie perspective.

  Ainsi donc, mon enfant, voilà ce grand secret
  Dont tout autre qu’un père en l’écoutant rirait ;
  Voilà par quel honteux et ridicule piège
  L’Esprit trompeur poussait vos pas au sacrilège…..
  Quoi ! ce rêve d’une âme à s’enflammer trop prompte
  Pour un enfant jeté par hasard sous vos pas,
  Ce trouble d’un cœur pur qui ne se connaît pas