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pauvre humanité est toujours le même depuis trois mille ans, et plus ; et ce dont il s’agit dans les vieux poèmes de l’Inde et dans les mystères d’Eleusis, c’est déjà la purification et le progrès par la douleur acceptée.

Je ne vous conterai pas la fable de Jocelyn ; je ne vous rappellerai pas son charme puissant, ni la profondeur de quelques-uns de ses sanglots, ni l’Idylle chaste, et pourtant enivrée, des deux enfants dans l’Alpe vierge, ni la sérénité et l’ineffable beauté morale des derniers tableaux. Je ne retiens que l’essentiel. Jocelyn, c’est l’idéal du sacrifice réalisé dans un homme. Tout, dans l’affabulation du poème, est subordonné à cette pensée ; et par là s’expliquent et se justifient les épisodes même qui ont le plus heurté les critiques et que tous, sans exception, ont condamnés.

Ils ont du moins fait grâce à la première immolation de Jocelyn. Ils ont supporté que Jocelyn entrât au séminaire pour permettre à sa soeur d’épouser celui qu’elle aime. Vocation fausse et contrainte ? Non pas. C’est par un acte de charité particulière que Jocelyn se détermine au sacerdoce, qui est, selon Lamartine, le ministère de la charité universelle. Le prêtre est, à ses yeux, l’homme qui souffre et expie pour les autres. Le besoin d’accomplir un premier sacrifice induit Jocelyn à devenir, professionnellement, « l’homme de sacrifice ». Dès le moment où il a consenti à s’immoler au bonheur de