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mes yeux se troublent, mon âme s’égare… Que dois-je dire ? et que puis-je penser ? »

Mais bientôt le torrent repart et les mots se précipitent. Écoutez ce Cri de l’âme :

  Quand le souffle divin qui flotte sur le monde
  S’arrête sur mon âme ouverte au moindre vent,
  Et la fait tout à coup frissonner, comme une onde Où le cygne s’abat dans un cercle mouvant ;

  Quand mon regard se plonge au rayonnant abîme
  Où luisent ces trésors du riche firmament,
  Ces perles de la nuit que son souffle ranime,
  Des sentiers du Seigneur innombrable ornement ;

  Quand d’un ciel de printemps l’aurore qui ruisselle
  Se brise et rejaillit en gerbes de chaleur,
  Que chaque atome d’air roule son étincelle Et que tout sous mes pas devient lumière ou fleur ;

  Quand tout chante ou gazouille, ou roucoule, ou bourdonne,
  Que d’immortalité tout semble se nourrir,
  Et que l’homme, ébloui de cet air qui rayonne,
  Croit qu’un jour si vivant ne pourra plus mourir ;

  Que je roule en mon sein mille pensers sublimes,
  Et que mon faible esprit, ne pouvant les porter,
  S’arrête en frissonnant sur les derniers abîmes,
  Et, faute d’un appui, va s’y précipiter…

  Quand je sens qu’un soupir de mon âme oppressée
  Pourrait créer un monde en son brûlant essor,
  Que ma vie userait le temps, que ma pensée,
  Et remplissant le ciel, déborderait encor :