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hindous écrivent : « Écume, vagues, tous les aspects, toutes les apparences de la mer ne diffèrent pas de la mer : nulle différence non plus entre l’univers et Brahma », ou lorsqu’ils font dire à Dieu : « Je suis dans les eaux la saveur, la lumière dans la lune et le soleil, le son dans l’air, la force masculine dans les hommes, le parfum pur dans la terre, la splendeur dans le feu, etc. », n’avouent-ils pas implicitement que Dieu n’est point, proprement, l’eau, la lune, le soleil, l’air, les hommes, la terre, le feu, mais qu’il se manifeste sous ces « apparences » ; et que le feu, la terre, l’air, le soleil, l’eau, la race humaine sont les signes, les symboles, la parole de Dieu ? Ne se rencontrent-ils pas enfin, par un détour, avec le poète des Harmonies ? Ainsi se réconcilient, dans le vague, les métaphysiques.

Que si les bons Hindous font parfois un pas vers Lamartine, plus souvent c’est Lamartine qui fait un pas vers eux. À de certains moments, ébloui par la splendeur du monde, il oublie la distinction prudente entre le signe et l’Être signifié, et adore expressément, sans doute par inadvertance, la Nature-Dieu. Il s’écrie dans l’Hymne du matin :

  Montez donc, flottez donc, roulez, volez, vent, flamme,
  Oiseaux, vagues, rayons, vapeurs, parfums et voix !
  Terre, exhale ton souffle ! Homme, élève ton âme !
  Montez, flottez, roulez, accomplissez vos lois !
  Montez, volez à Dieu ! plus haut, plus haut encore !….
  Montez, il est là-haut ; descendez, tout est lui !