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deux objets que son imagination rapproche ; que la « métaphore » est une comparaison dont le second terme est seul exprimé ; que l’« allégorie » n’est qu’une métaphore prolongée et que le « symbole » n’est peut-être qu’une allégorie plus libre et plus flottante. Ceci posé, je crois que la meilleure métaphore, et la plus vivante, est celle où l’objet sous-entendu reste le plus présent, le mieux mêlé à l’image par laquelle on l’évoque en nous, — à condition que cette image n’en soit point elle-même effacée ou affaiblie.

C’est cet effacement que l’on peut constater dans la bonne vieille allégorie ou « métaphore prolongée » de Mme Deshoulières (Dans ces prés fleuris, etc.). C’est ingénieux, mais cela ne contient pas une parcelle de poésie. Pourquoi ? C’est que pas un instant nous ne voyons un troupeau, des prés, un berger, mais bien les filles de cette dame, et le roi à qui elle les recommande. Le terme inexprimé de la comparaison a mangé l’autre. Par contre, il arrive fort souvent, chez Victor Hugo, que l’image ait un tel relief, une telle précision, et qu’elle vive si bien par elle-même, et comme détachée de ce qu’elle exprime, que nous ne voyons plus qu’elle (de quoi, d’ailleurs, nous ne nous plaignons pas trop), et que nous avons besoin de quelque effort pour en ressaisir la signification. Mais, comme j’ai dit, les images de Lamartine restent d’ordinaire inachevées et transparentes ; elles fondent et se dissolvent à mesure qu’elles surgissent : et de là leur charme singulier.