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tine me semblent plus souvent approcher de ce qui serait « la poésie pure ».

Comment cela ? — L’essence de la poésie, — ce en dehors de quoi elle ne se distingue plus de la prose que par certaines cadences de mots, — c’est peut-être le sentiment continu de correspondances secrètes, soit entre les objets de nos divers sens, formes, couleurs, sons et parfums, soit entre les phénomènes de l’univers physique et ceux du monde moral, ou encore entre les aspects de la nature et les fonctions de l’humanité. Or, ces correspondances, il me paraît bien que Victor Hugo en perçoit sans doute de plus imprévues, et qu’il les exprime plus complètement ; mais je crois que Lamartine en suggère un plus grand nombre, et avec moins d’effort. Et comme il se contente de les indiquer, le signe, chez lui, ne se détache pas tout à fait de la chose signifiée, mais il en est tout imprégné encore ; ce sont, grâce à je ne sais quelle délicieuse indécision de termes, des passages aisés de l’idée à l’image et, presque dans le même moment, des retours de l’image à l’idée : en sorte que (presque toujours) cette poésie exprime simultanément l’âme et les choses, et est donc la plus large, la plus compréhensive et, au fond, la plus riche qu’on puisse concevoir.

J’ai peur que tout ceci ne vous paraisse pas très clair. Il faudrait trouver quelque exemple, qui valût pour des milliers de cas. — Je vous rappelle d’abord que, dans la « comparaison », le poète exprime les