Page:Lemaître - Les Contemporains, sér6, 26e mille.djvu/153

Cette page n’a pas encore été corrigée

nos vers français aient un peu trop constamment le genre de beauté des vers latins, de ces vers trop sonores, au rythme trop marqué et trop énergique et qu’un Virgile seul a pu amollir quelquefois, rythme qui commande presque la précision dans les mots et dans les images et qui exclut la demi-teinte, la pénombre et l’ondoiement.

Or, il est certain que Victor Hugo, par exemple, — comme Lucain, comme Juvénal, comme Claudien, encore qu’avec beaucoup plus de génie, — fatigue assez souvent et accable l’esprit par un éclat trop dur, par des saillies trop vigoureusement éclairées, par trop de perfection dans l’agencement du style, trop de justesse dans les jointures des phrases, trop d’exactitude dans les comparaisons, trop d’ordre et de symétrie dans la composition des morceaux, trop de « beautés » d’un caractère un peu étroitement « littéraire » et prévu par les Traités de rhétorique ; et qu’enfin, il y a trop de Boileau dans Victor Hugo, même dans le prodigieux versificateur des Contemplations et de la Légende des siècles. Lamartine est certes beaucoup moins savant, beaucoup moins précis, moins fécond en images achevées et sensiblement inférieur par l’invention verbale : et pourtant, avec leurs rimes non cherchées, la monotonie de leurs coupes, la fluidité, l’allongement indéfini de leurs périodes, leurs négligences et leurs à peu près d’expression, en dépit même des restes de phraséologie surannée qu’ils charrient çà et là dans leurs plis, les vers de Lamar-