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s’était plaint, un jour, que la Suisse lui fût une trop petite patrie :

  Adore ton pays et ne l’arpente pas.
  Ami, Dieu n’a pas fait les peuples au compas :
  L’âme est tout ; quel que soit l’immense flot qu’il roule
  Un grand peuple sans âme est une vaste foule.
 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

  Sparte vit trois cents ans d’un seul jour d’héroïsme.
  Un pays ? C’est un homme, une gloire, un combat,
  Zurich ou Marathon, Salamine ou Morat.
  La grandeur de la terre est d’être ainsi chérie :
  Le Scythe a des déserts, le Grec une patrie.

Et plus loin :

  La conquête brutale est l’erreur de la gloire.
  Tu l’as vu, nos exploits font pleurer notre histoire.
  De triomphe en triomphe un ingrat conquérant
  A rétréci le sol qui l’avait fait si grand.

Voilà comme cette longue main féminine et languissante sait frapper les vers. Et cela continue. Le poète allègue les gloires de la Suisse, et l’âme de Rousseau, que cette nature a nourrie et formée. Il ajoute que le souvenir de ses premières félicités suivit Jean-Jacques dans l’ombre des villes :

 . . . . . . . . . . .
  Ses pieds rampants gardaient l’odeur des herbes hautes ;
  Son premier ciel brillait jusqu’au fond de ses fautes…