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rimes multipliées, d’où viendrait une si remarquable richesse, si elle n’était pas un épanchement de la force ?… Au surplus, on peut, dans l’œuvre de Lamartine, dégager et mettre en lumière des passages, des confidences, qui sont la révélation expresse de cette qualité de force insuffisamment reconnue, etc… »

Il est cependant une preuve que M. de Pomairols oublie. Lamartine est le seul des grands poètes de ce siècle qui ait pu oser le vers libre dans la poésie lyrique (je néglige à dessein quelques pièces des Odes et Ballades). Cela est un grand signe pour lui. La strophe à forme fixe est la plus commode des gênes. On sait que rien n’est plus facile à faire qu’un sonnet passable. C’est un grand avantage pour le poète que le rythme de ses vers lui soit imposé d’avance : il n’a qu’à le remplir pour donner l’illusion du mouvement, et quelquefois de l’inspiration. Mais, dans le vers libre, le mouvement est imprimé et le rythme est créé par l’inspiration même, et la défaillance de celle-ci est tout aussitôt trahie par le fléchissement de celui-là. Pousser sans faiblesse, comme Lamartine le fait souvent, des pages entières et des masses énormes de vers libres, aller ainsi droit devant soi, au hasard, et trouver son rythme à mesure, cela suppose une puissance inouïe de sensations et de sentiments, un involontaire et invincible débordement de l’âme, bref, cet état extraordinaire que notre poète exprime,