Page:Lemaître - Les Contemporains, sér6, 26e mille.djvu/141

Cette page n’a pas encore été corrigée

Ici, triomphe la sereine liberté d’une écriture qui semble improvisée ; là, le plus prodigieux effort d’expression plastique qui fut jamais. Les Harmonies semblent presque toutes conçues dans quelque paysage élyséen, au bord d’une mer méridionale, et les Contemplations, dans quelque forêt sinistre ou devant un océan livide d’éclairs. Et c’est comme si l’œil de Lamartine ne voyait les objets qu’à travers un voile diaphane qui en émousse et en agrandit les contours, et comme si, au contraire, leurs saillies subitement démesurées heurtaient l’œil visionnaire de Victor Hugo. Et la philosophie des Contemplations est donc le manichéisme, c’est-à-dire le monde ramené, — provisoirement, — à une antithèse ; et la philosophie des Harmonies, c’est le platonisme, ou le monde ramené dès maintenant à l’unité par l’amour ; et ainsi se répondent les Novissima Verba et Ce que dit la bouche d’ombre.

Je voudrais étudier les Harmonies avec un peu de méthode. La vieille distinction, artificielle, mais commode, de la forme et du fond m’y servira. Et si je commence par la forme, c’est que j’éprouve le besoin de m’inscrire tout de suite en faux contre un jugement de M. Deschanel.

«… Jamais, dit-il, la virtuosité ne fit éclater plus de maestria et de verve ; mais les brillantes variations des Harmonies religieuses ressemblent plus souvent à celles d’un improvisateur italien qu’aux chants célestes d’un Palestrina. Je me figure le diplomate