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Avec tout cela, les réflexions de M. de Pomairols, si justes dans leur généralité, nous donnent peut-être l’idée d’une poésie par trop immatérielle, inconsistante jusqu’à l’évanouissement. Ces remarques, qui lui ont été surtout inspirées par les Harmonies, ont besoin, je crois, d’être complétées. D’autre part, M. Émile Deschanel met, assez nettement, les Harmonies au-dessous des Méditations. Je voudrais vous dire pourquoi je ne puis être de cet avis.


IV

LES HARMONIES.

Les Harmonies de Lamartine me paraissent être, avec les Contemplations de Victor Hugo, le plus magnifique débordement de poésie lyrique qui soit dans notre langue. Si différents de forme et d’inspiration, les deux recueils ont pourtant quelque rapport par leur objet. C’est, ici et là, la plus haute et la plus large poésie qui soit ; ce sont deux âmes de poètes en plein contact avec l’immense nature et l’humanité. Mais, de ces deux imaginations souveraines, l’une nous ravit par sa spontanéité et sa grandeur, l’autre nous étonne par son énormité et sa violence. L’une, nous enchante d’« harmonies », l’autre nous éblouit d’antithèses. Lamartine disait que « les ombres n’ajoutent rien à la lumière ». Lumière et ombre, c’est toute l’esthétique de Hugo.