Page:Lemaître - Les Contemporains, sér6, 26e mille.djvu/138

Cette page n’a pas encore été corrigée

Il me semble que ces strophes s’élancent ou plutôt se détachent comme d’un coup d’aile blanche, presque silencieux. Celles de Victor Hugo s’arrachent d’un effort puissant, et l’aile qui les soulève est musclée, on le dirait, comme une aile d’aigle. Mais les vers de Lamartine glissent sans secousse dans un air léger.

La courbe et la molle cadence du vol, l’essor et le mouvement en haut, voilà, bien décidément, l’un des signes les plus constants de cette poésie. La convenance est donc entière entre la forme et le fond. Cette belle philosophie platonicienne qui fait de l’univers un système de symboles ascendants, Lamartine l’exprime par des mots et des images qui toujours, toujours montent. M. Charles de Pomairols a étudié avec une rare et amoureuse pénétration la « spiritualité » du style de Lamartine. On ne dira pas mieux sur ce sujet, et je ne saurais donc mieux faire que de vous citer quelques-unes des observations de l’inquiet et souffrant poète des Rêves et Pensées sur l’heureux et glorieux poète des Harmonies.

« Souvent traditionnelles, générales comme il convient à un esprit philosophique, effacées quelquefois par l’usage, peu nourries, toujours délicates, les comparaisons interviennent dans son style poétique non pas comme d’insistantes et serviles copies de la réalité, mais comme les allusions légères d’un esprit qui plane sur la nature. »