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l’âme humaine a conçu de plus pur à travers les âges, la fleur de spiritualité des plus nobles races et des plus beaux siècles, le monothéisme dramatique, passionné — et majestueux — de la poésie juive ; le rêve que faisait Platon d’un monde harmonieux par l’Idée, où les divers ordres de réalités sont assimilables à des ombres et à des reflets gradués de la pensée divine et, parallèlement, le rêve de l’ascension naturelle de l’âme par l’amour ; le mysticisme amoureux de Dante et de Pétrarque ; la grâce fluide et épurée, la piété soupirante et le semi-molinisme si tendre de Fénelon, et sa sensualité d’ange ; les cantiques de Jean Racine, d’un si grand charme de virginité, avec ce lyrisme d’on ne sait quels célestes « catéchismes de persévérance » ; même l’onction lentement murmurante de l’Imitation de Jésus-Christ, et même, d’autre part, ce que l’élégante poésie érotique du siècle dernier avait, çà et là, de plus léger, de plus fuyant et de moins charnel, tout cela, en vérité, se retrouve, se confond, s’achève et s’épanouit dans la poésie lumineuse et ailée d’Alphonse de Lamartine. Il ne serait peut-être pas absurde de dire que notre littérature classique, qui, sauf une petite part du dix-septième siècle et une part notable du dix-huitième, avait été chrétienne, eut en lui, sur le tard, son poète lyrique. Lamartine complète et ferme une ère, — ce qui ne l’empêche point, nous le verrons, d’en ouvrir une autre.

Je n’entrerai pas dans le détail des Méditations.