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autour de la ville en faisant des vers. « Hier, écrit-il à son ami Virieu, je découvris, assez loin de la ville, un petit sentier ombragé par deux buissons bien parfumés. Il me conduisit au milieu des vignes, qui sont parsemées de cerisiers. Je me couchai sous leur ombre fraîche et épaisse ; j’ôtai mon épée et mes bottes : l’une me servit de pupitre et l’autre d’oreiller. Je sentais dans mes cheveux un vent doux et frais. Je n’entendais rien que les bruits qui me plaisent, quelques sons mourants de la cloche des vêpres, le sourd bourdonnement des insectes pendant la chaleur et les rappeaux (rappels) d’une caille cachée dans un blé voisin. »

C’est là, c’est dans cette attitude que le jeune cavalier griffonna la première esquisse de l’immortelle élégie. Le Lac ébauché sous un cerisier, dans une vigne, sur une botte de gendarme… Que la réalité a parfois d’imprévu et de bonhomie !

Ainsi, conception « platonique » de l’amour, spiritualisme ardent, amour de la nature, voilà ce que Lamartine semblait rapporter aux hommes, ce dont il faisait de suaves mélanges, et ce qu’on eût dit qu’il inventait à force de fervente candeur. Les beaux rêves et les doux sentiments ! encore qu’ils aient été si souvent déshonorés, soit par une simulation intéressée, soit par une forme banale de Jeux floraux, et que trop de jeunes filles ou de vieux messieurs se soient figuré que, pour écrire des vers lamartiniens, il suffisait d’avoir une belle âme. — Tout ce que