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misme et le néo-kantisme, qui sont pourtant encore du spiritualisme, et en plein, — ont bien meilleur air, semblent impliquer plus de liberté et d’étendue d’esprit. C’est qu’on songe toujours au spiritualisme officiel, insincère, figé, mort, de Victor Cousin et des Manuels de philosophie. Mais Lamartine n’a rien de commun, ou pas grand’chose, avec Adolphe Garnier ou Damiron. Pensez que, avant de devenir la philosophie du baccalauréat, le spiritualisme fut la philosophie du Phédon et du Banquet et celle du Songe de Scipion. Pris en lui-même, le spiritualisme est la plus généreuse explication de l’univers, celle qui contient le plus d’amour, celle qui donne au monde le plus beau sens…

Le sentiment de la nature. — Cela encore ne nous est plus du tout nouveau. Ce ne l’était même pas en 1820, et je ne vous dirai donc point que c’est Lamartine qui l’a inventé. Il est vrai que ce n’est pas non plus Chateaubriand, que ce n’est pas non plus Bernardin de Saint-Pierre, que ce n’est pas non plus Jean-Jacques Rousseau, que ce n’est pas non plus Fénelon, que ce n’est pas non plus La Fontaine, que ce n’est pas non plus Ronsard. Bref, ce n’est personne. Mais, tout de même, on peut assurer que ce sentiment délicieux, un peu languissant et endormi auparavant, ou qui ne s’était guère exprimé que sous des formes indirectes et imitées des anciens, s’est décidément réveillé et développé chez nous vers le dernier tiers du dix-huitième siècle, et