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on rencontrait des vers si harmonieux et si purs qu’il était assez difficile de dire en quoi ils différaient des vers de Lamartine. Et pourtant ils en diffèrent. Je relis le Vallon et je sens bien tout à coup que les vers y abondent qui n’avaient pas encore été faits :

  La fraîcheur de leur lit, l’ombre qui les couronne,
  M’enchaînent tout le jour sur le bord des ruisseaux ;
  Comme un enfant bercé par un chant monotone,
  Mon âme s’assoupit au murmure des eaux.
 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
  Beaux lieux, soyez pour moi ces bords où l’on oublie !
 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
  Repose-toi, mon âme, en ce dernier asile,
  Ainsi qu’un voyageur qui, le cœur plein d’espoir,
  S’assied, avant d’entrer, aux portes de la ville,
  Et respire un moment l’air embaumé du soir.

 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
  L’amitié te trahit, la pitié t’abandonne,
  Et, seule, tu descends le sentier des tombeaux.

Et cette merveilleuse strophe où se trouve formulé si exactement (car Lamartine est précis quand il veut), et formulé pour toujours, le « sentiment de la nature », tel qu’il s’épanchera sans fin dans la poésie de notre siècle :

  Mais la nature est là, qui t’invite et qui t’aime :
  Plonge-toi dans son sein qu’elle t’ouvre toujours.
  Quand tout change pour toi, la nature est la même,
  Et le même soleil se lève sur tes jours.