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jour, il eut l’idée d’y employer les cheveux d’une grand’tante, — des cheveux « blanchis dans les cachots de la Terreur », s’il vous plaît ! Et la musique des cheveux blancs fut, paraît-il, plus belle encore que celle des cheveux blonds. «…Depuis ce jour, nous importunions souvent notre tante pour qu’elle laissât dépouiller par nos mains son beau front… » Et il ajoute que la destinée idéale pour un poète, ce serait de faire, dans sa jeunesse, des vers qui rendraient le même son que les cheveux de sa sœur et, dans ses dernières années, des vers qui chanteraient comme les cheveux de sa tante… Ah ! qu’il est bien d’Izernore !

En attendant qu’il retrouve un jour, par une inspiration divine, la musique aérienne des cheveux blonds (et ce seront les Méditations poétiques), il rêve, il lit les poètes, particulièrement le Tasse et surtout Ossian, qu’il considère comme un grand poète (il semble avoir voulu ignorer toute sa vie l’artifice de Macpherson). Puis, au sortir du collège, il se met à écrire : « J’ébauchai plusieurs poèmes épiques et j’écrivis en entier cinq ou six tragédies… J’écrivis aussi un ou deux volumes d’élégies amoureuses, sur le mode de Tibulle, du chevalier de Bertin et de Parny. » Deux pages plus loin, il nous dit : « Je passai huit ans sans écrire un vers. » Or, comme il nous dit d’autre part, dans le discours Des destinées de la poésie, qu’il jeta au feu « des volumes de vers écrits dans les deux ou trois années qui précé-