faire croire qu’il a eu du génie de très bonne heure. Il raconte à tout bout de champ que tel de ses chefs-d’œuvre a été griffonné par lui, au crayon, en marge d’un Pétrarque, ou bien oublié dans un volume de Dante, et qu’heureusement un de ses amis s’en est aperçu et le lui a rapporté. Bref, il altère très souvent la vérité pour se faire valoir. Il prend des poses. Et, certes, j’aimerais mieux qu’il eût le respect de l’humble vérité ; mais je lui vois bien des excuses. D’abord ses inexactitudes sont innocentes et sans malice. Puis, beaucoup sont inconscientes : la preuve, c’est qu’il voulut publier ce Manuscrit de sa mère, où il devait pourtant savoir que ses propres Confidences étaient à chaque instant démenties ou redressées. Ces Confidences, d’ailleurs, il nous laisse assez entendre qu’elles sont un peu « romancées », qu’il s’y montre tel qu’il a été à peu près et tel qu’il aimerait avoir été tout à fait. Au surplus, quand on rêve un grand rôle public et bienfaisant, n’est-il pas permis de se présenter soi-même aux autres hommes de façon à agir le plus possible sur leur imagination ? Que dis-je ! n’est-ce pas là une sorte de devoir ?
Et enfin « la vérité matérielle a très peu de prix pour l’Oriental ; il voit tout à travers ses idées ». (Renan). Or, Lamartine est Oriental, comme la plupart des grands chefs de peuples. Car les Lamartine ont, de père en fils, « la taille haute et mince, l’œil noir, le nez aquilin, le cou-de-pied très élevé