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était vidé à quarante. Hugo, qui, à quinze ans, faisait des vers comme un homme, attendit vingt ans pour être pleinement lui-même, pour nous donner avec les Contemplations, son vrai chef-d’œuvre lyrique. Nous voyons que, presque toujours, les écrivains qui ont débuté sur le tard, La Fontaine, Molière, Rousseau, Gustave Flaubert, Montaigne et Rabelais si vous voulez, nous ont donné, du premier coup, les livres les plus rares, les plus pleins, les plus savoureux. Ce pauvre Maupassant avait canoté, chassé, et regardé tranquillement autour de lui jusqu’à la trentaine, avant de débuter par la merveille que l’on sait. — Ce qui gonfle de sève ces exubérantes Harmonies, ce paradisiaque Jocelyn et cette inégale, monstrueuse et splendide Chute d’un ange, ce sont peut-être les douze ans d’oisiveté inquiète où il se chercha lui-même et où se forma en lui comme un vaste et secret réservoir de poésie inexprimée. Il n’avait plus désormais qu’à laisser couler…

J’ai dit que le jeune gentilhomme campagnard dépeint par MM. Reyssié et Deschanel n’avait rien de l’Éliacin que plusieurs s’étaient figuré. Il n’était pas fort tendre ; il bousculait parfois ses petites sœurs. Toutefois, d’avoir été élevé par une très pieuse et très douce femme et au milieu de cette « nichée de colombes » (comme Royer-Collard appelle les soeurs de Lamartine), on pense bien qu’il lui en resta quelque chose. Heureusement. Il en garda une grâce, mais superposée, si l’on peut dire, à une très vigou-