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vérité. La foule, aidée par le temps, agit comme cette mère : elle achève l’œuvre du poète, elle fait des vérités de ses erreurs. Son opération est normale, conforme au travail de la Nature, qui retouche constamment ses oeuvres, pour dégager les grandes lignes, pour les débarrasser du caduc et de l’accessoire. Ce qui crée de la vie est supérieur à ce qui en détruit. » — « Nous n’ôterons pas le lierre », dit gentiment M. Deschanel.

Mais il revendique ensuite le droit, sinon de l’ôter, au moins de l’écarter. Et, en effet, tout le long de son étude, il l’écarte respectueusement, et il a bien raison.

Il a pu m’arriver à moi-même de répéter après d’autres, croyant exprimer une opinion distinguée : « La légende est plus vraie que l’histoire. » J’ai peur maintenant que ce ne soient là des mots. Nous devons certes tenir compte de la légende, puisque la légende c’est l’idée que le plus grand nombre des hommes se sont faite ou ont fini par se faire d’un personnage historique. Il est à croire que ce personnage avait du moins en lui de quoi suggérer cette idée : et ainsi la légende exprime presque toujours avec force les traits caractéristiques de l’homme qu’elle magnifie. Par suite, elle peut être d’un grand secours pour retrouver et reconstituer ce qui fut le « vrai ». Mais prétendre qu’elle est elle-même le vrai « supérieur », — comme s’il y avait plusieurs vérités, — ne pensez-vous pas que c’est