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« portraits » comme La Bruyère, avec des noms tirés du grec. Il avait des vues sur la brièveté de la vie, sur la fragilité de nos sentiments, l’infirmité de notre raison et l’excellence de la religion chrétienne. Et tout cela était d’une rare innocence.

Mais, comme il avait pourtant une imagination de poète et beaucoup de sincérité, il lui arrivait d’exprimer, avec un accent assez pénétrant, la tristesse de sa solitude morale et la mélancolie d’une âme qui se croit supérieure à sa destinée. Et, comme ce prêtre de campagne n’aimait pas les paysans, il avait quelquefois sur eux des remarques d’une clairvoyance cruelle et d’une éloquente âpreté.

Un aimable homme, un Parisien de Lyon, qui passait par là, s’en aperçut. Il fit à l’abbé la douce violence qu’il attendait, le décida à publier ses Pensées, et nous présenta l’auteur.

Le livre du curé limousin, qui, écrit par un laïque, eût passé à peu près inaperçu, fut fort bien accueilli par la presse. On y découvrit une saveur originale. Puis, de bons farceurs se piquèrent de courtoisie envers ce prêtre, parce qu’il était prêtre. Cela arrive plus souvent qu’on ne croit. Quand les journalistes sont en veine de respect, ils poussent très loin ce sentiment. D’ailleurs on flairait dans ces Pensées je ne sais quel manque de résignation qui semblait piquant chez un ministre de Dieu. Surtout on était charmé de trouver dans le livre d’un prêtre un portrait sans pitié du paysan, un portrait qui rappelait