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Talma, Rachel ou Frédérick Lemaître sont moins complètement évanouis. Mais cherchez pourquoi. C’est que leurs noms prononcés évoquent dans la mémoire certains personnages dramatiques, c’est-à-dire, en somme, autre chose qu’eux-mêmes. À le bien prendre, ce n’est donc point Rachel, c’est Phèdre et Hermione ; ce n’est point Talma, c’est Oreste et Néron qui survivent et qui sont immortels. Vous en doutez ? Essayez de songer à Talma et à Rachel, de vous les figurer en dehors des rôles que nous savons qu’ils ont joués d’une certaine façon : vous y aurez beaucoup de peine, et nos petits-enfants en auront plus encore.

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Ainsi les comédiens n’ont point, si je puis ainsi dire, d’immortalité propre, quand d’aventure ils en ont une. Au reste, la partie rétrospective de l’exposition Bodinier nous fait très bien sentir qu’ils n’ont rien à eux, pas même leur tête.

Car, au temps où ils étaient vivants, où ils apparaissaient en chair et en os aux regards de la foule idolâtre, ce n’était pas eux, du moins ce n’était pas eux seuls qu’on voyait, mais les personnages historiques ou imaginaires qu’ils étaient chargés de représenter. Et, si quelque peintre les a fixés sur la toile, ce n’est donc point leur vrai visage qu’il nous a transmis, mais un visage arrangé par eux pour nous donner l’idée de tel ou tel personnage de théâtre… Il est de toute évidence que la tête de M. Mau-