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est restée à peu près immuable à travers les âges, l’idée du joli, qui est en grande partie affaire de toilette et de colifichets, est soumise aux plus rapides et aux plus étranges vicissitudes.

C’est égal, j’ai le soupçon que les frimousses de nos comédiennes à nous sont plus piquantes et surtout plus vivantes, plus individuelles que celles de leurs mères ou de leurs aïeules. Outre que la toilette d’aujourd’hui respecte mieux les naturels contours de leur enveloppe mortelle (les artifices que vous savez n’en exagèrent, après tout, que les détails les plus significatifs), nos comédiennes savent mieux se composer un minois qui soit bien à elles, se coiffer et s’habiller à l’air de leur visage, la mode actuelle laissant aux femmes intelligentes une liberté presque absolue. Cela ressort clairement de l’exposition Bodinier.

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Il en ressort aussi (vous vous en doutiez, n’est-ce pas ?) que tout est vanité. Beaucoup de ces braves histrions défunts (histrions n’est ici qu’un latinisme, je vous en avertis) sont déjà comme s’ils n’avaient jamais vécu. Dites-moi, je vous prie, ce que c’est que Melle Denain ? Dites-moi ce que c’est que Melle Randoux et Melle Araldi ? Je ne vous dirai pas : « Qu’est-ce que c’est que Firmin ? » car celui-là, son nom du moins est encore connu. Mais je vous demanderai, à vous qui comme moi n’avez jamais vu cet estimable artiste : « Qu’est-ce que ce nom vous représente ? et qu’est-ce autre chose qu’un nom ? »